mardi 11 septembre 2007

PRÉVAL PRIS AU PIÈGE!

Jean Erich René

Les derniers événements de la scène politique haïtienne, par leur bizarrerie, sont honteux. Parti en guerre contre la drogue, la corruption et l'inflation, le 55ème Président d'Haïti en profite pour se débarrasser de ses adversaires politiques, des concurrents potentiels des commanditaires de sa campagne électorale et même de son rival. Ce cocktail explosif n'a comme unique détonateur, les difficultés du Gouvernement à livrer la marchandise dont le délai et le coût sont bien inscrits sur la facture de Washington.

Sur un continent américain dominé par le Capitalisme, l'avancée Alter Mondialiste nourrit de grandes inquiétudes. La licence de fabrication industrielle de Kalachnikov, accordée à HugoChavez, réveille la vigilance de l'Establishment américain. Par ailleurs, des sous-marins russes en construction seront bientôt livrés à la Chine. Le lancement d'un missile russe sur la Georgie, ex-république soviétique, tient lieu d'une mise en garde de Vladimir Poutine contre toute velléité d'y installer une base américaine. Ces indices sont révélateurs d'une nouvelle configuration politique mondiale.

La misère est mauvaise conseillère et représente un milieu de culture favorable à l'éclatement de certains sentiments de frustration que pourraient éventuellement canaliser les courants politiques de gauche, vainqueurs aux élections dans la majeure partie des pays de l'Amérique du Sud. Historiquement, Haïti a toujours été considéré comme la rampe de lancement des mouvements politiques qui ont embrasé le Continent. Vaut mieux prévenir que guérir! Haïti, située à la porte de l'Amérique, représente une honte pour le Système Capitaliste et une proie facile pour le socialisme en pleine réforme. La solidarité anglo-saxonne, symbolisée respectivement aux USA et au Canada par le Parti Républicain et le Parti Conservateur, s'active pour assurer la suprématie du Capitalisme.

Selon la culture anglo-saxonne, le développement économique est l'oeuvre d'une élite. Malheureusement l'élite haïtienne n'est pas à la hauteur de sa mission. L'assiette économique est confisquée par une clique d'hommes d'affaires européens et un clan libano-syrien en conflit perpétuel . Ils refusent d'accorder leur violon pour exécuter la symphonie du développement économique. Les membres du Parti National noiristes, s'avisaient déjà d'affranchir l'économie haïtienne de la tutelle des représentants de la Bourgeoisie du Bord de Mer, sans aucun lien avec l'arrière-pays et plutôt intéressée à leurs richesses personnelles transmises de père en fils. Des coulées de 1946, 1957 sont sortis: un Clergé et un État Major indigènes, une classe moyenne émergente.

Les attentes des architectes du Parti National ont été déçues. Le Docteur François Duvalier s'exprimait ainsi:" Ce n'est pas l'âge qui m'a blanchi ni la fatigue du pouvoir mais plutôt la déception car les hommes sur lesquels je comptais m'ont trahi." En effet nos prélats catholiques et les Officiers des FAD'H n'ont pas compris le sens de l'histoire. Les intellectuels de la classe moyenne forment une bourgeoisie de fonctionnaires parasitant les administrations publiques et se chicanant pour des portefeuilles de ministre ou des fonctions électives. Ils n'ont pas du tout l'esprit entrepreneurial, exception faite de rares échantillons comme Thomas Désulmé etc. Le port de beaux costumes, la fête del'indépendance, les belles femmes, le beau parler français, turlututu à la bouche pointue et tout le bazar, tel est le domaine de définition de leur compétence.

La couleur de la peau ne saurait être un critère de richesse car le billet est vert pour tous. Le hic résulte dans la forme de distribution du Revenu National et son mode de thésaurisation. La fluidité de la monnaie, le niveau des salaires président au pouvoir d'achat des consommateurs et au bien-être des ménages. L'acquittement des obligations fiscales conditionne les dépenses de l'État, les investissements futurs, l'épargne publique et partant la croissance génératrice du développement. Nos élites n'ont pas la volonté nil'attribut moral pour prendre conscience de l'impératif de l'heure. Au contraire l'éviction fiscale, la fraude, la contrebande etc.
sont des pratiques quotidiennes.

Ce déséquilibre des rapports est dangereux pour le Corps Social haïtien.
Une véritable croisade est lancée pour corriger ce vice rédhibitoire de la machine administrative haïtienne. Une liste de 315 accusés a été remise au Gouvernement. Malencontreusement, en première position, figurent les sponsors des élections du 21 février 2006, certains collaborateurs et amis du Bas Peu de Chose, 3 Ministres et moult membres de la Bourgeoisie peser-sucer. Pris de panique, le Chef de l'Exécutif jette du lest en faisant appel au cliché du cinéma politique haïtien avec le traditionnel
générique:
- complot contre le Président
- arrestation et convocation musclée des membres de la bourgeoisie
- simulation de conflit entre l'Exécutif et le Législatif
- menace d'interpellation du PM et convocation du Chef du Parquet
De tels artefacts n'ont aucun rapport avec le realpolitik. La mission de Lespwa est de changer la situation des masses. Compte tenu de l'enlisement des troupes américaines en Irak et des difficultés budgétaires de l'Administration Bush, il revient au Canada dont le Budget est excédentaire de prêter main forte au seul PMA de l'Amérique. Le récent voyage en Haïti de Stephen Harper n'est pas à négliger. Sa présence à Cité Soleil est très significative. Un économiste de pacotille s'amuse à vanter le succès de la politique macro-économique du Gouvernement Préval/Alexis en se basant sur la baisse du taux directeur, la baisse de l'inflation et une hypothétique appréciation de la gourde haïtienne.

De tels artifices sont favorables à ceux qui ont beaucoup d'argent. Mais ceux qui n'en ont rien crèvent de faim si la baisse de l'inflation ne s'accompagne pas d'une baisse du prix des produits. Mr l'économiste de facto, cette appréciation accidentelle de la gourde haïtienne est imputable à l'effondrement du marché immobilier américain entraînant une dépréciation du dollar avec des retombées sur le marché monétaire.

Pris dans le piège de ses propres promesses de nettoyer le pays de la drogue et de la corruption, Préval ne sait comment se débarrasser de ses bienfaiteurs impliqués jusqu'au cou. En revanche, il s'en prend à leurs concurrents anti-lavalas. Blessé dans son orgueil masculin par la fronde du jeune David, Goliath le cocu use de son pouvoir régalien pour lui faire payer son machisme. Le drame est passionnel! De toute évidence, à travers un prisme mondialisant, le glas sonne pour cette bourgeoisie peser-sucer vouée au mépris du Capitalisme qui se repositionne par rapport au Socialisme en mode de récupération.

Aucun commentaire: