mardi 11 septembre 2007

COMMENT ROMPRE LA PAUVRETÉ EN HAITI ?

Comment rompre la pauvreté en Haïti!
Par Jean Erich René

« Le rapport de recherche est du domaine de l’écriture. Le style mathématique est le meilleur pour décrire un édifice logique inachevé mais le style littéraire est le seul capable d’expliquer les choix sur lesquels cet édifice est fondé ou de présenter une pensée en évolution dont la communication peut avoir un intérêt même si elle n’est pas finalisée. » (Michelle Volle « Le Métier de Statisticien » 1980, Paris Hachette p.226)

Le démarrage économique d’Haïti suppose le divorce avec un passé de misère, d’abstinence, d’ignorance, de mensonge et de honte, tout en conservant nos valeurs culturelles. Pour que Haïti connaisse une croissance positive, il faut briser coûte que coûte, nos structures stagnantes par des transformations considérables au niveau de l’appareil étatique. Le plus grand problème des pays sous-développés comme Haïti, c’est qu’ils se lancent têtes baissées dans le sillage des pays développés sans tenir compte des contraintes spécifiques au milieu. Les théories économiques diffusées par les Écoles de pensée occidentales ont été montées à partir d’échantillons caractéristiques de leurs sociétés et compte tenu de leurs problèmes spécifiques et de leurs dotations en facteurs de production. Nous n’avons pas connu le même parcours historique que l’Occident colonisateur.
Notre capital humain n’est pas non plus le même. D’où l’inadéquation et l'insuccès des plans de développement du FMI et de la Banque Mondiale calqués sur l’Occident et parachutés dans les pays pauvres.

La typologie du développement d’Haïti pose un grand défi à nos gestionnaires. Il faut un éclair d’intelligence pour fusionner les connaissances théoriques à la topographie du milieu ambiant. L’équation du développement économique d’Haïti doit être posée en termes de variables et de contraintes propres à Haïti en synchronisation avec les modalités simultanées de l’évolution économique internationale. Nous ne pouvons pas vivre en autarcie. Cependant, les modèles globaux proposés par les théories économiques occidentales ne sauraient résoudre la problématique du sous-développement d’Haïti ni effacer le spectre grimaçant de la pauvreté.

Alain Cotta dans son livre : « Analyse quantitative de la croissance des pays sous-développés » , reconnaît que la croissance du Tiers-Monde nécessite un différentiel à deux vitesses. Ce dualisme s’explique par la persistance de l’économie traditionnelle axée sur l’agriculture et l’intégration industrielle pour répondre à la demande globale du marché international. L’offre globale de l’économie haïtienne doit satisfaire nos besoins fondamentaux et dégager certaines devises pour parer à nos importations.

Le PNB haïtien tourne essentiellement autour de la production agricole.
Toute augmentation de la population, sans une augmentation subséquente de la production agricole nous jette dans la trappe malthusienne avec une baisse remarquable du taux de croissance du PNB. La liaison entre le taux de croissance de la population des pays sous-développés et le taux de croissance du PNB a été scientifiquement démontrée par W.B. Jorgenson dans
: « The development of a dual Economy » (The Economic Journal 1961, pages 309-335)
En faisant appel à la fonction de production Kobb-Douglas, Jorgenson pose les contraintes relatives à l’évolution parallèle de la démographie et de la production en mettant en évidence l’effet ciseau dont sont victimes les populations des pays sous-développés. En nous inspirant des travaux de Jorgenson comme cadre de référence, nous allons tenter théoriquement de relever le défi du sous-développement d’Haïti et rompre la pauvreté de la population haïtienne.
N.B. Nous nous excusons d’avance auprès des non-matheux parce que, par esprit de précision, de concision et surtout de clarté, nous sommes obligés de faire appel au modèle mathématique pour identifier les variables et les contraintes liées à notre pauvreté afin de poser et de résoudre le problème. Compte tenu de certaines difficultés techniques, nous ne pouvons pas figurer les exposants.En revanche nous les indiquerons par une phrase explicative après chaque équation.
Rappellons que le PNB ou revenu per capita en Haïti est égal à $450.Le produit national brut haïtien ou PNB ou encore revenu global est une fonction de la quantité de terre cultivée, de la technologie utilisée et de l’effectif de sa population. Nous le symbolisons par l’équation suivante où Y est la variable dépendante. L et P sont les variables indépendantes dont les rendements dépendent de la productivité du travail β et du niveau de progrès technique α de nos compatriotes.
Posons l’équation de la production et faisons ressortir les goulots d’étranglement de la croissance économique d'Haïti et en identifiant les causes de la persistance de sa pauvreté :
Y= Lβ P1- β eαt Equation 1 ici (β,1- β et αt) sont des exposants

Y= PNB ou Produit National Brut ou encore Revenu Global
L= Terre ou espace cultivable
P= Population
β= productivité du travail
α= taux du progrès technique
e= facteurs imprévisibles ou bris blancs
Étant donné que l’espace cultivable en Haïti n’augmente pas et peut être
chiffré à 1.170.000 has nous pouvons considérer la variable L de la
fonction Kobb-Douglas comme une constante. La superficie cultivable ne peut
pas augmenter à moins d’un envahissement du territoire dominicain. Pour les
commodités de notre analyse, nous écartons la productivité attachée à la
terre et nous isolons la productivité liée à la population afin de mettre
en évidence ceteris paribus
l’importance de la démographie sur le PNB ou revenu global. Par conséquent
l’équation 1 devient maintenant :
Y= P1- β eαt Equation 2
ici(1- β et αt) sont des exposants
Pour calculer le revenu per capita haïtien dans le cadre de l’équation 2,
il faut diviser le PNB ou revenu global Y(lisez grand Y) par l’effectif de
la population P. Alors le revenu per capita y( lisez petit y)est donné par:
y = Y/P = P1- β eαt / P
ici (1- β et αt) sont des exposants
En math :1/P = P-1
par conséquent:
y = P1- β eαt P-1
ici(1- β,αt et -1)sont des exposants
P1* P-1 = P
ici(1 et -1)sont des exposants qui s’annulent
par conséquent
y = P- β eαt Équation 3
ici - β et αt sont des exposants.
Il nous faut maintenant calculer les possibilités de croissance de notre
revenu per capita (y) tiré de l’agriculture. Par conséquent il nous faut
calculer la dérivée de cette fonction c’est à dire les variations possibles
de (y) pour une augmentation de la production. Puisque nous avons en face
de nous une fonction exponentielle nous devons d’abord la linéariser. En
conséquence nous devons calculer le logarithme de notre fonction de
production :
log y = α - β log P
Maintenant calculons le différenciel de y
dy/y = α - β dP/P
d’où :
y’/y = (α - β ) P’/P Équation 4
Pour faire varier le quotient y’/y ou bien on augmente le dividende
(α - β ) P’ ou bien on fait baisser le diviseur P. L’idéal
serait de faire les deux à la fois.
Si α , le paquet technologique haïtien et β le taux de
productivité n’ont pas bougé depuis 1804, ou encore ont subi des variations
négligeables ou non significatives par rapport à la variation P’ de la
population P, nous pouvons donc dire sans aucun risque de nous tromper que
le taux de croissance de la production y’/y est en relation directe avec le
taux de croissance de la population P’/P. En d’autres termes la
problématique de la production haïtienne ceteris paribus est en butte à la
vitesse du taux de croissance de la population qu’elle n’arrive pas à
ratrapper à travers le temps. L’explosion démographique est responsable du
rabougrissement de notre économie,pose le grand défi du sous-développement
d’Haïti et reserre de plus en plus l’étau de la misère.
L’excès de notre population explique majoritairement notre pauvreté et
l’origine de nos crises sociales.
Puisque le sous-développement d’Haiti est fortement imputable à une
croissance exponentielle de sa population, soit 2,3 % selon le dernier
recensement, analysons maintenant les moteurs de croissance de la
population haïtienne .
Désignons par Y le taux de natalité et par γY le taux maximum de
naissance. Soit δ le taux de mortalité. Dans ce cas le taux de
reproduction de la population haïtienne est représentée par:
γy–δ.
La variation du taux de croissance de la population haïtienne est égale à :
P’/P = (γy –δ )Équation 5
Dans l’équation 4 remplaçons P’/P par sa nouvelle valeur de l’équation 5 ,
on obtient :
y’/y = (α - β )(γy –δ )
Tirons y’ :
y’= y {(α - β )(γy –δ )}
ou encore :
y’ = (α + βδ)y - βγy2 Équation 6
ici 2 est un exposant
On se trouve en présence d’une équation du second degré que nous résolvons
de la façon suivante :
Pour y’= 0 on a : (α + βδ)y - βγy2=0
ici 2 est un exposant
on obtient deux racines y1 et y2
y1= 0 et y2 = α + βδ / βγ
Calculons la dérivée de cette équation on obtient dy/y = 0
Si la dérivée seconde est nulle c’est qu’on ne peut pas tirer un revenu
individuel supplémentaire de la production agricole. L’agriculture
haïtienne, l’essence même de l’économie nationale est stationnaire. D’où
une économie haïtienne bloquée. Le secteur agricole haïtien compte tenu des
valeurs de y1 et de y2 ne pourra pas se développer dans les conditions
ordinaires. Au dire de Jorgenson le PNB haïtien est tombé dans la trappe
de stagnation. Par conséquent les conditions permissives de l’émergence du
secteur industriel ne seront jamais atteintes. Nous sommes définitivement
condamnés à l’industrie très volatile de la sous-traitance qui nous
maintiendra toujours dépendants puisqu’elle ne dégagera aucun surplus
propre à l’épargne et par conséquent propice à l’investissement visant à
assurer notre croissance économique par le biais de l’industrialisation.
Que faire?
Pour briser ce frein qui engonce la machine de production haïtienne selon
le modèle dualiste qui caractérise l’économie des pays sous-développés,
nous devons poser d’autres hypothèses.
Soit Y+ la croissance maximum du PNB pour une croissance maximum de la
population haïtienne égale à ε , nous pouvons réécrire l’équation 5 :
P’/P= ε = γY+ –δ
ici + est un exposant de Y
Ou encore ε = γY+ – δ
ici + est un exposant de Y

En tirant Y+ on obtient :
Y+ = ε + δ/ γ
ici + est un exposant de Y

Selon le modèle de Jorgenson le rapport Y2/Y+ définit clairement les
conditions de croissance de la production agricole des pays du Tiers-Monde.
En d’autres termes pour rompre avec la pauvreté en Haïti il faut qu’il y
ait développement agricole et par extension développement économique.
Y2/Y+ > 1 Équation 7
Si ce rapport est supérieur à 1 c’est que la production dépasse largement
les besoins de consommation locaux. Dans le cas contraire , c’est à dire
Y2/Y+< 1 on tombe dans la trappe stationnaire.
Dans l’équation 7 , en remplaçant respectivement Y2 et Y+ par leurs
valeurs on obtient :
Y2/Y+ = α + βδ / βγ : ε + δ/ γ>1
ici + est un exposant de Y
Ou encore
Y2/Y+ = α + βδ / βγ*γ/ε + δ>1
ici + est un exposant de Y
Puisque γ est présent à la fois au numérateur et au dénominateur par
simplification on écrit :
Y2/Y+ = α + βδ / βε + βδ>1
ici+ est un exposant de Y
Cette inéquation nous explique pourquoi l’agriculture haïtienne ne peut pas
nourrir le peuple haïtien, pourquoi on est obligé d’importer de la
nourriture, pourquoi l’économie haïtienne est bloquée. Selon les enquêtes
menées par l’USAID sur la consommation en Haïti dans le cadre du programme
PL 480 les besoins imputés de la population haïtienne, compte tenu des
normes et des standards de la FAO et de l’OMS sont de 4.720.000 TM. Le
niveau réel de la production agricole haïtienne est de 1.750.000 TM. Par
conséquent on peut écrire :
Y2/Y+=1.750.000/4.720.000 = 0,37 < 1

Donc avec un rapport Y2/Y+ = 0,37 < 1 Haïti tombe à pic dans la trappe
stationnaire de Jorgenson. Déjà, depuis 1988 l’État haïtien a dû importer
24,58% de la consommation alimentaire totale du pays. De jour en jour, la
trappe s’agrandit davantage sans aucune lueur de solution .
Y2/Y+ = 0,37 < 1 entraîne α < βε c’est à dire le
progrès technique est nettement inférieur au taux de croissance de la
productivité capable de sous-tendre la croissance de la population.
Le signal est donc clair, le taux de croissance de la technologie haïtienne
qui est de 0,093 est inférieur à son taux de productivité qui est 1
multiplié par le taux de croissance de sa population 2,3%. La technologie
haitienne ne peut pas répondre aux besoins croissants de sa production per
capita y+ = 0,59 TM puisqu’elle ne donne que y2 = 0,21 TM per capita.
Pour rompre avec la pauvreté il faut briser l’équilibre stationnaire.
Théoriquement il faut que Y2 > 0,59 pour obtenir un rapport Y2/Y+ > 1. Dans
ce cas , 3 solutions sont envisageables :
1.- La plus incontournable c’est le ralentissement du rythme de croissance
de la population haïtienne par des programmes de planning familial et de
contrôle des naissances. Certains Haïtiens s’enorgueillissent d’avoir 5,6,
10, 15, 20 et même 30 enfants. De quoi les nourrissent-ils?
Comment font-ils pour payer leurs frais de scolarisation? Il n’y a pas que
nos dirigeants politiques qui soient responsables de la pauvreté du Peuple
Haitien. Le Peuple est aussi coupable d’avoir mis au monde trop d’enfants.
Comme la Chine on doit commencer par livrer des pénalités aux Chefs de
famille trop prolifiques et éduquer nos jeunes en ce sens afin de réduire
le taux de croissance de la population. C’est le chemin suivi par tous les
pays développés comme le Canada, les USA où chaque famille a en moyenne 1,5
enfants. Pour répéter un Grand Maître Spirituel de la Rose-Croix : « A quoi
sert-il de mettre des enfants au monde si c’est pour créer demain des
adultes frustrés et malheureux.»
2.- Par le biais de l’éducation formelle et informelle il faut augmenter le
niveau technique de la population haïtienne afin de mettre en usage une
technologie plus appropriée pour l’augmentation de la production agricole.
Nous sommes encore au stade de la machette, de la houe, de la serpette et
du brûlis. Moreau de St Rémy a relevé la même technologie depuis plus de
deux siècles. La mécanisation agricole, les semences améliorées, la
fertilisation de nos sols , l’irrigation, la lutte anti-parasitaire, les
techniques d'ensilage, le crédit agricole ne sont pas à la portée de nos
agriculteurs. Le génie génétique de nos jours qui n’a pas encore atteint le
sol haïtien affiche ailleurs de bonne performance tant sur le plan de la
quantité que de la qualité. Il faut aussi former une main d’œuvre
qualifiée, rôdée au maniement des machines industrielles afin de mieux
répondre à la demande du marché du travail.
3.- Une combinaison des deux.
Dans le cadre d’une économie à croissance endogène, le surplus agricole va
libérer l’épargne nécessaire pour le décollage économique ou take off
d’Haïti. On assistera au transfert des ouvriers agricoles dans le secteur
industriel. Ce dualisme qui caractérise le développement des pays du
Tiers-Monde a été relevé aussi par Paul Bairoch qui voit en l’agriculture à
la fois la grande consommatrice et la pourvoyeuse de l’industrie des pays
du Tiers-Monde. Que les Grands Commis de l’État tirent les conclusions
nécessaires pour la mise en œuvre d’une politique publique visant à
fouetter la croissance et réduire, pouquoi pas, rompre définitivement la
pauvreté en Haïti.

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