jeudi 7 février 2008

L'INEFFICACITÉ DES BUREAUX DE L'ÉTAT...

L'inefficacité des Bureaux de l'Etat.
Par Jean Erich René
Extrait publié le 2 juin 04
La gestion des entreprises publiques haïtiennes est caractérisée par un laisser-faire sans égal. Le rendement au travail devient secondaire puisque les salaires sont versés quelle que soit la performance de l'employé. Ilest vrai que le profit économique n'est pas un impératif pour les entreprises publiques, les incidences sont plutôt sociales.
La tendance à l'inefficacité et au gaspillage paralysent certaines boites et nous portent à nous questionner sur la légitimité de leur existence. Etant donné les rares ressources dont nous disposons pour faire fonctionner ce pays il demeure évident que l'on ne peut pas encourager les sinécures ni financercertains projets fictifs.

L'Etat haïtien doit faire un usage rationnel de nos maigres sous dans un souci de rentabilité sociale et/ou économique. Les expériences malheureuses vécues récemment avec les PPP ou Petits Projets Présidentiels, de véritables tonneaux de Danaïdes, nous inspirent de graves suspicions par rapport à certaines initiatives étatiques. Une bonne partie du budget national est souvent allouée à certaines entreprises douteuses dont la gestion est confiée aux partisans du Gouvernement. Au décompte lesrésultats ne sont jamais connus ni publiés.Les cloisons de l'Exécutif légalement sont assez étanches.

Les fonctions de chaque branche de l'Administration publique sont clairement définies par des lois organiques. Le Président de la République est le timonier de la Barque Nationale. La construction des places publiques, des lycées ou écoles publiques, le fonctionnement des coopératives, l'émission monétaire, sont des tâches bien spécifiques confiées à des institutions publiques bien organisées. La toilette de la ville aussi bien que l'entretien des édifices et des lieux publics relèvent de la compétence de nos maires et de ses assesseurs communaux. Le législateur haïtien reconnaît au ministère de l'Education Nationale toutes les initiatives concernant la construction et le fonctionnement des Ecoles Publiques.

Durant ces dernières décades on a vu pousser comme des champignons des lycées bidons, véritables instruments de propagande de la politique gouvernementale. La qualification du corps professoral laisse à désirer. L'état des locaux est lamentable. Le scandale des coopératives vient de dessiller nos yeux sur les menées souterraines et malsaines de l'Exécutif haitien. L'encouragement à l'investissement dans les coopératives fut une initiative personnelle du chef de l'Exécutif haïtien aussi bien que les promesses de remboursement des victimes.La Constitution haïtienne accorde à l'Autorité Monétaire le privilège exclusif de l'émission et du contrôle de la monnaie.

En aucun cas, le Président de la République ne peut s'immiscer dans le mécanisme defonctionnement du marché monétaire. Nous avons eu la grande surprise au printemps 2003 d'apprendre que le chef de l'exécutif a endossé l'entière responsabilité de cette hémorragie relevée au niveau de la gestion de la Banque Centrale. C'est un danger public de placer l'Autorité Monétaire Nationale sous la stricte dépendance du locataire du Palais national. Depuis le début des années 1970, c'est l'Etat haïtien qui frappe sa propre monnaie, à la faveur de la chute du système de Bretton Woods entraînant le flottement du dollar américain.

Selon les études faites par Milton Friedman de l'école de Chicago, l'inflation a pour cause première l'excès de la monnaie. Le fonctionnement à outrance de la planche à billets sous le Gouvernement précédent est responsable de la décote de la gourde haïtienne. Il revenait au Parlement de sanctionner l'émission monétaire afin de discipliner le processus. Avec l'absence du Corps législatif, qui contrôle la Banque Centrale ? A-t-on fait ou va-t-on faire de nouvelles émissions monétaires? C'est le grand dilemme de l'illégalité du Gouvernement de transition.Les recettes de l'Etat proviennent en général de la DGI qui couvre la Capitale et nos villes de Province. Le bureau des contributions par l'entremise de ses collecteurs et de ses préposés perçoivent les taxes et les impôts sur toute l'étendue du territoire national.

Toutes les recettes fiscales sont versées au Bureau Central. Les Provinces ne jouissent d'aucune autonomie telle que prévue par la Constitution de 1987. Les maires de nos villes ne reçoivent que les salaires de leurs employés. Aucune allocation ne leur est accordée pour entreprendre les travaux d'assainissement et d'entretien de leurs villes. Les autorités de Port-au-Prince se réservent la part du lion sans aucune justification de dépenses. Les hommes d'affaires de la place pour contourner le fisc s'empressent de donner des actions gratuites au Président de la République qui reçoit régulièrement son retour sur son investissement fictif.

En contrepartie, le Grand bénéficiaire des largesses de nos industriels ordonnent à la DGI de soulager ses bienfaiteurs de leurs obligations envers le fisc ou de renvoyer leurs créances. C'est ainsi que certains entrepreneurs haïtiens sont redevables de plusieurs millions de dollars d'arriéré à l'Etat haïtien. Les cadres supérieurs de la DGI se sont enrichis des pots de vin du secteur commercial et industriel à cause de certaines coupures d'impôt.L'APN représente l'autre mamelle de la vache que les autorités haïtiennes sucent jusqu'au sang. Cette tendance à la flibusterie loin d'être une exception devient la règle générale dans nos ports et nos aéroports. Il devient quasi normal pour un agent de la douane de se faire graisser la patte pour la livraison d'une marchandise. Certains d'entre eux se livrent à un commerce interlope de marchandises volées.

Parfois ils surtaxent certains biens tels que les voitures afin de décourager l'importateur et de s'en emparer. Bon nombre de nos jeunes douaniers se sont enrichis durant ces derniers temps grâce à cet esprit de rapine et de flibusterie qui règne dans nos ports et nos aéroports. L'Etat essuie des pertes énormes quant au manque à gagner et à la fuite enregistrée au niveau de nos douanes. Les membres de nos églises en sont les plus grands profiteurs. Sous le couvert des organisations caritatives exemptées de taxes nos pasteurs et nosprêtres placent leurs commandes de voiture et d'autres biens de luxe. Aussi les changements de gouvernement entraînent rapidement des bouleversements au sein de l'Autorité Portuaire Nationale.

C'est de là que coule le miel dont les nouveaux dirigeants constitutionnels, de facto ou de consensus s'empressent de s'empiffrer en y plaçant leurs propres parents ou leurs partisans. Le Ministère du Commerce devient le théâtre des magouilles les plus affreuses causant la ruine du Pays. C'est le marché par excellence de toutes les transactions commerciales les plus frauduleuses. Les bons decommande des produits de première nécessité comme le riz, la farine, l'huile d'olive sont vendus comme des pâtés chauds. Il suffit de bénéficier d'un quota de riz pour devenir millionnaire en un clin d’œil. Parfois les importateurs réalisent des profits de 100% voire de 200%. C'est un véritable crime organisé avec la complicité du pouvoir établi pour faire fortune rapide. Outre le caractère malhonnête de telles transactions, elles inhibent également la production nationale de riz.

Le riz importé est vendu à un prix nettement inférieur au riz de l'Artibonite. On comprend dès lors le mépris de l'Etat haïtien par rapport à la production nationale de riz. Il y a des mesures techniques appropriées pour faire baisser le coût à l'hectare de nos rizières. On peut aisément contourner les facteurs limitatifs de la production rizicole et compétitionner le riz importé. La preuve n'est plus à démontrer puisque la vulgarisation du riz Mme Gougousse, choyé par lapopulation haïtienne peut se faire dans d'autres sites de la République qui répondent mieux que l'Artibonite à la production du riz. L'importation du riz ne fait qu'aggraver le déficit de notre balancecommerciale et freiner la croissance de notre PNB.N'est-il pas superflu de jeter un coup d’œil à la Teleco où il y a des affaires de plusieurs millions de dollar qui se brassent?

La TELECO est la véritable vache à lait de nos dirigeants politiques. Il devient quasi-impossible d'y faire carrière. A chaque changement de Gouvernement on s'empresse de révoquer les employés pour les remplacer par ses propres partisans. C'est une machine à sou programmée pour enrichir rapidement les responsables nationaux. On n'accorde aucune attention aux abonnés qui sont obligés de payer leurs factures même quand leur téléphone est en dérangement. Malgré une demande accrue d'installation de nouvelles lignes, l'administration centrale ne répond pas. Cette attitude contraste avec uneentreprise à but lucratif. On ralentit le service aux abonnés pour faciliter la vente de portable communément appelé "Ti telephone". D'aucuns prétendent que le marché du téléphone cellulaire et des cartes d'appel estun monopole réservé à la Première Dame.

Certains employés parasitent le service de la Teleco pour ouvrir leurs propres bureaux privés offrant des appels internationaux. En dépit de toutes ces gabegies administratives, la Constitution haïtienne dans son article 136 stipule:Article 136Le Président de la République, chef de l'Etat, veille au respect et à l'exécution de la Constitution et à la stabilité des institutions. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.L'observation quotidienne nous permet de constater que presque tous nos chefs d'Etat une fois en selle violent la Constitution. Ils sont les premiers déstabilisateurs des institutions publiques. Ils y placent leurshommes liges afin de domestiquer l'appareil de l'Etat et détourner les fonds publics à leurs profits.

Aussi la politique en Haiti devient l'industrie la plus florissante. Des candidats qui n'avaient même pas une maison pour satisfaire les exigences de la loi électorale deviennent multimillionnaires. Le poisson pourrit toujours par la tête. Les subalternes vont emboîter le pas au chef d'Etat en plumant la poule sans la laisser crier. Les institutions publiques haïtiennes deviennent de véritables Cavernes d'Alibaba. L'esprit de rapine et de flibusterie qui caractérise nos dirigeants politiques consacre l'inefficacité des Bureaux de l'Etat tout en expliquant le délabrement d'Haïti

lundi 4 février 2008

VIVE LES MAGASINS DE L'ÉTAT!

Vive les magasins de l’État ! Jean Erich René

La théorie économique de la main invisible, prônée par Adam Smith et ses disciples de l’École de Chicago comme régulateur du marché, ne fonctionne pas en tout temps et en tout lieu. En période de crise, l’État a un rôle macro-économique majeur à jouer pour rétablir l’équilibre. La preuve la plus convaincante vient d’être apportée par le discours de l’état de l’Union de George W. Bush réclamant l’infusion 150 milliards de dollars frais dans l’économie américaine pour effacer le spectre grimaçant de la récession.

Paradoxalement le FMI impose aux économies périphériques telles que Haïti la réduction du rôle de l’État au profit du secteur privé et la déréglementation en faveur du libre-échange etc. Comprenne qui pourra! L’État haïtien, au fil de notre histoire de peuple, a toujours joué un rôle actif sur le marché des produits de première nécessité. La réglementation et la fixation des prix sont des mesures de protection des consommateurs défavorisés. Par le biais des Magasins de l’État, les principaux produits de base étaient toujours disponibles afin d’éviter le marché noir et la flambée des prix. La stabilité politique de tout Gouvernement haïtien dépend du prix des produits de base. La commande en vrac de la farine, du riz, de l’huile de cuisine etc., selon une économie d’échelle, permettait à l’État de réduire considérablement le prix de revient de certaines marchandises. Un tel indicateur est symptomatique de l’état d’âme de la masse qui ne veut plus rien entendre quand la faim coupe ses tripes.
À dire vrai la situation a commencé à se détériorer sérieusement à partir de l’application de la Politique néo-libérale prônée par le FMI exigeant : - la diminution du rôle de l’État sur le marché - la réduction des dépenses du Gouvernement - la privatisation des entreprises publiques - la disparition des barrières douanières - le libre transfert de fonds vers les banques étrangères etc. De telles mesures ont provoqué le déséquilibre de l’économie haïtienne et la dégringolade de notre unité monétaire. Il s’ensuit une importation accrue des produits de base, une baisse considérable de la demande effective, un déficit de notre balance de paiement et une augmentation brusque de la dette extérieure due à la variation du taux de change. Bref le coût de la vie augmente de plus en plus en Haïti. Les plus grandes victimes ce sont les pauvres. L’ajustement des salaires à un taux de 5% ou même de 150% témoigne de l’ignorance pure et simple de nos dirigeants de la gestion économique nationale. Au contraire cette initiative impromptue, dictée par des économistes de facto, va créer une inflation en tire-bouchon. Les prix vont augmenter davantage puisque cet ajustement de salaire ne résulte pas de la nécessité de trouver le point d’équilibre entre le marché des biens et des services relativement au marché de la monnaie. La Courbe IS-LM ou Croix hicksienne donne clairement le ton. Sans une augmentation subséquente du PNB, l’excès de monnaie en circulation va augmenter davantage la cherté de la vie. Donc l’ajustement arbitraire des salaires se révèle une solution plutôt dégénérative de l'économie nationale. René Préval doit faire preuve de courage et s’élever à la hauteur de sa mission. Il doit divorcer avec la politique d’austérité du Fond MonétaireInternational. Le pouvoir d’achat de nos concitoyens est grandement réduit.

Dans un contexte économique aussi difficile on ne peut plus se référer au secteur privé pour l’approvisionnement des familles haïtiennes déjà essoufflées. La fourniture des denrées alimentaires devient une question d’intérêt majeur et même de légitimité politique du Gouvernement en place. Sans la satisfaction des besoins alimentaires, immédiatement après les carnavals l’émeute de la faim va éclater.
La moisson est déjà compromise dans nos plaines récemment inondées Le Premier Ministre ne peut pas s’avouer vaincu en invoquant l’argument saugrenu: " Nous ne pouvons faire sortir du sang des rochers." Cette réflexion digne d’un saurien jette le désarroi au sein de la population. L’urgence de l’heure exige la réouverture des Magasins de l’État dans les Chefs-lieux de nos départements géographiques, afin de mettre les produits de base à la portée de tous les ménages. Ainsi l’occasion sera offerte aux fils du peuple de rejoindre la Caravane économique par le biais des coopératives de céréales, de fruits et légumes, de boulangers, de bouchers etc. Grâce au commerce de détail, un contrôle strict du mouvement des prix sera exercé afin de limiter les dégâts dans nos sections communales. L’intérêt public commande l’instauration des Magasins de Quartier alimentés par les Magasins de l’État. Des épiceries populaires ainsi conçues grâce à leurs bas coûts de fonctionnement pourront livrer les denrées alimentaires à un prix réduit et une faible marge de profit. De meilleures aubaines et des emplois seront offerts aux classes défavorisées. Une telle initiative exprimerait clairement l’ouverture de la société haïtienne sur des avenues plus ensoleillées pour la rédemption des masses nécessiteuses. Pour les entreprises privées, le profit est l’objectif le plus recherché. Il revient aux municipalités d’établir les points de distribution en fonction de leurs budgets réels.

Selon un système de quota, les Magasins de l’Etat les pourvoiront en biens de consommation. Cette initiative, même quand elle a pour but de soulager la misère des masses urbaines et rurales, va soulever la hargne des intermédiaires grossistes de la bourgeoisie peser-sucer. Keynes décrit l’économie en heurts de pouvoirs. L’état des rapports deforce dans le partage salaire-profit porte les entrepreneurs à déterminerles prix. L’instabilité économique est surtout le résultat de la lutte pour le partage du revenu national. D’où l’apparition bizarre de wharf privé et l’émergence d’un état dans l’État. Le changement climatique, la montée du prix du baril de pétrole etc ne suffisent pas pour expliquer la cherté de la vie. Et la République dominicaine qui partage l’Ile avec nous ? Ceteris paribus, la cause causante c’est surtout la déviance de nos dirigeants par rapport aux lignes politiques traditionnelles pour se jeter sur les brisées du néo-libéralisme. La réouverture des magasins de l’État et sa nucléarisation en magasins de quartiers, communautaires et épiceries populaires est la solution la plus salutaire. Elle contribuera à la déconcentration de l’économie nationale par une participation plus accrue et plus dynamique de nos communautés urbaines et rurales à la gestion de laRes Publica.
Vive les Magasins de l’Etat !
http://barometre-politique.blogspot.com