dimanche 10 février 2008

MANGER À VENTRE DÉBOUTONNÉ...

Manger à ventre déboutonné
Jean Erich René
Nous sommes choqués par le reportage de la CNN sur la famine qui sévit
présentement en Haïti."Des galettes de boue frite et épicée servent de repas." Nous avons déjà entendu cette chanson fredonnée par des politiciens marrons pour révolter les esprits et provoquer la chute du gouvernement en place. Hier ce drame imaginaire avait comme théâtre le Nord`ouest. Aujourd`hui c`est le Plateau Central qui est ciblé. Cette mauvaise façon de faire la politique, uniquement pour déséquilibrer le fauteuil présidentiel, fait plus de torts que de biens au pays.

Quelle est la valeur nutritive de l’argile au point d’en faire un biscuit croqué par nos concitoyens pour apaiser leur faim? Ces tablettes sont souvent vendues dans nos marchés publics à des fins cosmétiques en guise de masque de beauté ou anti-rides pour la gent féminine. Elles sont parfois rongées par les femmes enceintes pour chasser la nausée qui les incite à cracher lors de la grossesse. Nous sommes conscients des difficultés actuelles d’approvisionnement en denrées alimentaires. Nous comprenons la colère citoyenne que suscitent les déclarations fantaisistes de l’équipe au pouvoir mais la terre haïtienne n’est pas aussi ingrate au point de refuser de nourrir ses fils selon les normes diététiques! Exploiter une situation de misère pour monter un videoclip dénaturé et avilissant participe d’un sentiment anti-national. Comment est-on arrivé si bas?

Une nouvelle ère économique s’ouvre sur le monde avec des conséquences désastreuses sur la consommation alimentaire. Une pression sans précédents’exerce sur le marché agricole à cause du choix des céréales, pour leur forte teneur en biocarburant, comme substituts du pétrole. Cette mutation du marché international, provoque une envolée des prix du blé, du mais, etc. nos principales sources d’alimentation. Elle fragilise davantage l’assiette alimentaire des pays émergents et particulièrement Haïti à cause de l’explosion démographique. En effet, la population haïtienne augmente à un rythme géométrique tandis que la production croit arithmétiquement. De plus il faut noter une migration massive de la population rurale et son étalement , avec leurs us etcoutumes, à l’intérieur des villes et dans leurs périphéries. Cet exode rural entraîne simultanément une baisse de la production agricole et une réduction de nos espaces cultivables limitrophes aux concentration surbaines. Nous pouvons étayer notre thèse en évoquant l’urbanisation de la Plaine du Cul-de-sac (Port-au-Prince, Bergeau (Cayes),Numéro 2 (Jérémie) etc., jadis les greniers alimentaires des villes avoisinantes.

Ces nouvelles concentrations intra et péri-urbaines constituent de vrais ghettos. Les pentes et les bas-fonds de nos bassins versants, voies d’évacuation naturelles des eaux de pluies, deviennent leurs lieux de domicile. N’ayant plus de jardins pour se nourrir, ils vivent d’expédients.L’Etat haitien en la personne de ses représentants: le Président René Préval et le Premier ministre Jacques Edouard Alexis, se trouve dans une impasse. Qui pis est, avec l’emploi des céréales comme biocarburants, les nations riches ne peuvent plus nous secourir en cas de disette, comme par le passé, parce qu’elles ont besoin de leurs réserves de céréales, pas même suffisantes, à des fins énergétiques. Que faire? Pour résoudre cette famine nuisible à la paix sociale haïtienne, il faut un autre modèle de gestion de nos denrées alimentaires. Les décideurs politiques haitiens doivent embrayer une nouvelle vitesse afin de passer d’une agriculture de grapillage et de subsistance à une production agricole industrielle.
Compte tenu des nouveaux rapports villes/campagnes, un nouveau paquet technique doit être mis en jeu non seulement pour augmenter la production mais encore la productivité afin de combler ce gap.Notre analyse sur la famine haïtienne intègre la rupture de notre chaîne alimentaire dans un cadre géométrique à 3 dimensions:
1.- changement climatique versus biocarburants
2.- dichotomie ville/campagne versus explosion démographique
3.- Inaction de l’Exécutif haïtien versus incompétence des dirigeantsactuels
Un rapport symbiotique liait les communautés rurales et rurales sur le plandes échanges commerciaux. De nos communautés rurales venaient les produits agro-alimentaires et les denrées d’exportation telles que le café, le cacao, le coton, le tabac, la pite etc. dont les ventes sur le marché international nous procuraient les devises nécessaires à nos importations. En revanche les magasins et les boutiques de la ville offraient aux citadins aussi bien qu’aux paysans la plupart des produits tels que : huile, mantèque, farine,tissu, savon etc. Un simple coup d’oeil nous permet d’identifier le paysan haitien comme le fournisseur par excellence de notre diète alimentaire. Sa maigre contribution de nos jours à la consommation locale force l’État haïtien à recourir à l’importation d’aliments au point que les logiques sociales d’approvisionnement à partir de nos communautés rurales disparaissent en changeant nos habitudes alimentaires.

Maintenant le blé, le spaghetti, les saucisses, le CornFlakes de Kellog’s, le riz, le maïs, le poulet de St Domingue etc.,garnissent nos plats. Le fossé s’agrandit de jour en jour. L’explication doit être cherchée dans le laisser-faire de nosdirigeants,leur laxisme et leur ignorance des dossiers nationaux.Un Chefd’État au 21e siècle ne peut plus être un béotien. Il n’a pas besoin d’êtreinitié aux arcanes de toutes les sciences, mais il lui faut un minimum de connaissances pour s’orienter dans les méandres de l’économie mondiale chargée de surprise. Les plus sots sont les plus entêtés. Face à un problème de pénuries alimentaires, un agronome n’a pas besoin d’êre thaumaturge. Il est suffisamment outillé scientifiquement pour relever le défi.
Nous sommes surpris davantage par la triste sirène du Ministre de l’Agriculture, l`agronome Francois Séverin face au désastre écologique d’Haiti en titrant son livre: "Ti zwazo kote nou prale?."Nimporte quel enfant de la Jardinière lui répondrait: "Kay fiyèt Lalo" parce que les grands mangeurs deux fois ministres de l’Agriculture, deux fois Premier ministre, deux fois Président d'Haïti ont tout gobé sans redresser l’agriculture haïtienne.
Dans un tel contexte de désorganisation des pouvoirs publics, toute polémique est vaine et inutile. Une logique de survie nous commande à arrêter les mesures adéquates pour crever cette poche de misère. Il faut mettre sur pied des firmes ou des coopératives de production agropastorale pour couvrir les besoins alimentaires d’Haïti .
A) Agriculture et élevage
Selon les normes et les standards les superficies suivantes exprimées en hectare doivent être emblavées pour chaque culture:
1.- Cultures vivrières : 351.601 has Maïs : 4.861 has, Millet : 53.071,46 has, riz : 162.242,57 has, palate:17.717 has, igname: 5.607 has, oignon: 1.151 has , Banane: 16.945 has, haricot: 123.644 has, tomate 1.067
2.-Production animale : 132.754 has Pondeuses (oeufs) et poulets de chair: 96.059 has, bœufs (viande) et vaches (lait pasteurisé : 24.904,12 TM): 27.519 has, cabri : 4296 has, Porc: 18475 has
3.- Cultures fruitières raisins; 72035,05 TM, orange:37695,62 TM, mangue: 40958,74 TM
4.- Produits importés
Les magasins de l’État se chargeront d’importer les produits alimentaires suivants : Huile de cuisine : 30.203,48 TM, Lait évaporé : 8.301,39 TM,Farine (pain): 112.147,04 TM
B) Répartition du portefeuille de financement :
1.-Cultures vivrières par ordre d’importance haricot : 46%, riz : 17%, igname : 13%, banane :11%, millet : 5%, patate :4%, mais : 2%, oignon 1%, tomate, 1% .
2.- Production animale par ordre d’importance avin (chair) 51%, bovin(viande et lait) : 28%, halieutique(pêche) 12%,caprin : 7%, porcin : 2% , avin Œuf) : 1%,

3.- Cultures fruitièresraisins:94%, orange: 2% mangue: 4%
Voilà comment on peut faire baisser les prix des denrées alimentaires pour donner à manger à ventre déboutonné au peuple haitien sans espérer un miracle du ciel.