jeudi 21 février 2008

UNE BOURGEOISIE DÉRACINÉE...

Une bourgeoisie déracinée !

Il est définitivement admis que le développement économique estl'oeuvre d'une élite.
Qu'il s'agisse du Canada et des USA c'est l'élite coloniale quia enclenché le développement économique. L'Angleterre a connu le développement grâce à une élite aristocratique. La révolution bourgeoise a libéré la France. Dans les pays socialistes la responsabilité incombe à l'élite intellectuelle .En Haïti, la volonté d'aboutir au développement économique ne se manifeste pas encore. L'indifférence et le laxisme de la bourgeoisie haitienne constituent des handicaps majeurs à notre croissance économique .
Nous avons la grande surprise de constater en sondant notre histoire de peuple que la bourgeoisie haitienne n'est ni nationale ni nationaliste. Cette remarque n'est pas anodine. Elle explique les principaux facteurs du rabougrissement de l'économie haïtienne. Oyez ! La société haïtienne est issue de la guerre d'indépendance menée vaillamment par les esclaves et les affranchis.

D'un côté on retrouve les mulâtres et les grands propriétaires terriens qui monopolisent toutes les richesses du pays et qui constituent la trame de la bourgeoisie haïtienne. De l'autre côté, les masses noires qui représentent les 4/5 de la population ont la portion congrue. Au fil des ans le profil de la société haitienne s'est modelé avec l'arrivée des immigrants d'origine libanaise, syrienne, allemande, italienne etc. Ils arrivent toujours avec les mains vides trainant leurs étals de galerie en galerie. En un temps record ils maitrisent le secteur commercial et industriel et s'intègrent rapidement dans la classe bourgeoise traditionnelle sans aucun lien avec le monde rural.
D'ailleurs leurs noms indiquent clairement leurs origines étrangères et leurs comportements trahissent toute volonté d'aboutir à un développement économique national. Ils se contentent des profits réalisés sur la vente de leurs marchandises dont le prix de vente dépasse 2 ou 3 fois le prix CIF. Ainsi nous pouvons saisir tout le secret de leurs réussites faciles. Comme industriels ils se contentent de se lancer dans la sous-traitance. Ils prennent des contrats ou des sous-contrats des multinationales. Ils font crever nos ouvriers pour un salaire tuberculeux qui est 4 à 5 fois inférieur au salaire prévu dans le compte d'exploitation. Le cri de détresse récemment de l'ambassadeur James Foley qui réclame 20 dollars par jour au lieu de 4 pour nos ouvriers est vraiment édifiant. Les industriels haitiens ne mettent pas à profit nos dotations en facteurs de production afin d'assurer la croissance économique du pays par le biais de la production nationale.
Ils se contentent seulement de leurs marges bénéficiaires tirés surtout de l'exploitation éhontée de nos forces de travail. L'Etat haitien n'a pas arrêté les mesures nécesaires pour protéger nos ouvriers livrés à eux-mêmes. S'il n'y a pas de distributions de salaires capables d'assumer la consommation avec des retombées positives sur la demande globale, l'économie nationale nécessairement en patit. Le mal serait moindre si les membres de cette bourgeoisie auraient pensé à épargner pour financer l'investissement du développement économique national. La croissance économique d'Haiti n'est pas inscrite dans leur agenda. Ils transfèrent leurs profits réalisés sur le marché haitien vers leurs pays d'origine ou dans les banques étrangères privant ainsi le pays du Capital nécessaire à son développement économique.

Il ne serait pas étonnant de vous apprendre que nos sous financent les conflits israélo-palestiniens. Il n'existe aucun contrôle sérieux de transfert de fonds en Haïti. Les fluctuations du marché monétaire haitien sont soumises aux caprices de l'offre et de la demande des commerçants et des industriels haitiens selon les besoins de leurs négoces. Ils maitrisent très bien les avenues de la politique haitienne. Ils savent comment dociliser le pouvoir politique et l'orienter dans le sens de leurs intérêts. La méthologie employée depuis deux siècles et qui leur a valu leurs richesses est simple. Ils accordent gratuitement des actions aux autorités en place tout en leur versant régulièrement leurs dividendes. C'est ainsi qu'un Général tout puissant était devenu le co-propriétaire d'un ciné de la Capitale. À sa mort son fils a essuyé la lamentable déception de se faire éconduire en réclamant l'héritage de son père. À chaque nouveau gouvernement, lesvnouvelles autorités reçoivent leurs nouvelles parts sociales. Ainsi s'en va la république, L'appât pour attirer les autorités politiques dans leur camp est aussi sexuel. Connaissant l'appétit des soi-disant noiristes pour les mûlatresses, on leur délègue de façon intelligente une grimelle même de qualité inférieure. Presque tous nos chefs d'Etat ont mordu à l'hameçon. Il n'est pas étonnant de rencontrer au Palais la fille d'un grand industriel comme la secrétaire du Président. Tandis que dans les rues le peuple toujours naif réclame la tête de ce mème industriel qu'il dénonce comme un exploiteur. La plupart de nos révolutionnaires aussi bien que leurs progénitures éprouvent une légitime fierté à se frotter à cette bourgeoisie qui en profite de son côté pour augmenter son capital. Comme l'orchestre du Palais national elle salue avec le même enchantement tous les gouvernements sans jamais prendre part visiblement à aucun d'entre eux.
Les 184 noms de familles qui ont bénéficié des largesses de Magloire, Duvalier pères et fils ont cheminé lavalassement. Maintenant ils se placent en première loge à côté de Cotubanama pour canaliser les1,85 milliards de l'aide. Nous n'aurions aucun grief contre cette bourgeoisie locale non nationale si elle manifestait des velléités nationalistes. Non seulement elle n'a aucune racine nationale, elle refuse de s'intégrer dans le milieu. Elle pratique l'endogamie . Leurs mariages se font à l'intérieur du même groupe social. Leurs richesses restent dans un cercle très restreint.

184 familles étrangères maitrisent hermétiquement l'économie nationale. Elles n'éprouvent aucun besoin en dehors de la capitale et spécifiquement dans le périmètre de Pétion Ville, de Laboule , Pèlerin etc... Leur plus long déplacement s'arrête à l'aéroport pour prendre l'avion et s'envoler vers leurs pays d'origine. Quel est leur apport réel au developpement du pays après deux cents ans ? Sans vouloir tirer la sonnette d'alarme réfléchissons ensemble sur les initiatives louables qu'ils auraient pu entreprendre pour contribuer au développement économique de la nation de 1804 à nos jours. Combien d'écoles ont ils construit pour augmenter nos possibilités techniques? Zéro. Combien d'hopitaux ont-ils bati pour soulager les maux de leurs ouvriers et des consommateurs sur le dos desquels ils ont amassé toutes leurs richesses? Zéro.

Combien de maisons ont-il construit pour lancer l'industrie de la construction et faire baisser le coup du loyer? Zéro. Combien de Centres de Recherche ont-ils financé ? Zéro. Sont-ils touchés par les conditions de vie dans les habitats des bidonvilles? Quelles sont les actions entreprises pour améliorer leur sort? Zéro. Combien de banques de crédit ont-ils construit pour encourager la production agricole, la base de l'économie haïtienne ? Zéro. Combien de Cités universitaires et de bibliothèques ont-ils dressé pour empêcher à la jeunesse haitienne de traverser la frontière afin de s'instruire à St Domingue? Zéro. Dans tous les pays du monde de telles entreprises demeurent l'oeuvre des nantis économiques. En Europe et en Amérique du Nord et même en République dominicaine la bourgeoisie arrive à vaincre le féodalisme. EnHaiti cette bourgeoisie qui n'est ni nationale ni nationaliste à toutes les périodes de notre histoire s'apprêtent toujours à exploiter la masse sans rien lui offrir en retour.

Ce sont les 184 noms de famille qui ont les mêmes magasins dans les mèmes positions. Ils pratiquent toujours la même politique en vendant les mêmes articles. Ils se succèdent de père en fils dans le mème système de corruption , de trahison et de coups bas. Ils refusent de payer les impôts et s'associent aux publicains pour contourner le fisc. L'Etat haitien se trouve souvent en difficulté pour faire face à ses obligations par rapport au corps social. Avec quoi batir le budget et réduire les inégalités sociales. Ils préfèrent financer les coups d'état au lieu de répondre à leurs redevances fiscales. Pendant deux cents ans 184 familles étrangères maintiennent l'économie nationale en otage. À maintes reprises pour maintenir le statu quo et contrarier tout nouveau contrat social qui pose comme préalable indispensable le changement économique, ils préfèrent l'occupation du pays.

À ce compte lisons les témoignages de Suzy Castor in " Occupation américaine d'Haïti" p.77"Cependant, les commerçants arabes et italiens installés dans le pays à lafin du siècle passé considérés par les américains commedes Haïtiens,appuyèrent l'occupation de façon active et effective. Sesmembres souvent naturalisés américains jouissaieint de tous les privilèges des conquérants. Les noms des Kouri, Sada, Loukas, Boulos, Bigio, etc... se retrouvent dans plusieurs rapports officiels qui prouvent bien l'appui de ce secteur commercial à l'intervention" Suzy Castor, dixit. On peut aisément compléter la liste des 184 familles étrangères qui maitrisent l'économie nationale en lisant les enseignes des magasins de la Grand'Rue et du bord de mer de Port-au-Prince .

Une telle bourgeoisie n'a aucune racine et méprise royalement le développement économique national. Elle ne compte aucun cousin , aucune cousine dans nos communautés rurales comment se serait-elle donc intéressée à l'équipement de nos collectivités territoriales et aux infrastructures routières nationales. Nos registres d'état civil ne mentionnent pas leurs noms. Cette bourgeoisie déracinée n'aq ue faire des masses de l'arrière pays et bloque le développement économique national par leur mainmise deux fois séculaire sur nos ressources financières. Il existe une étroite corrélation entre la pensée qui est culturelle et l'action orientée vers le développement économique. Même avec des centaines de milliards de dollars le développement économique d'Haïti est impossible puisque la volonté génératrice de projets d'avancement économique et social n'est pas au rendez-vous. La culture préside à la réalisation de tout projet dont le fondement est avant tout historique. L'enracinement des acteurs qui partagent un destin commun les porte à développer un sentiment d'appartenance à une communauté.

La fibre patriotique qui fait vibrer le coeur de tout Haitien natif-natal a comme source de référence l'identité collective. L'élaboration et l'avancement d'un programme de développement économique pour Haiti exigent un minimum de cohérence de la pensée. La discontinuité caractéristique de tous les projets de développement entrepris en Haiti s'explique par le hiatus observé entre la pensée , le projet et l'identité culturelle des acteurs. Le développement économique a une fondation historique. Poser l'équation du développement économique d'Haiti sans soulever le voile sur cette bourgeoisie déracinée serait une preuve d'infantilisme intellectuel.

Jean-Erich René