vendredi 4 avril 2008

ÉMEUTES DE LA FAIM


Jean Erich René

En Haïti nous n’avons pas la bonne habitude de faire des sondages
d’opinion afin de juger du niveau de satisfaction et d’insatisfaction de nos
administrés. Le seul trait de jauge c’est l’éclatement. LESPWA, un
Parti monté à la va-vite pour porter in extremis Préval à la présidence,
manifeste des signes d’incapacité. C’est la déception complète de la
population atteinte de la nostalgie du statu quo ante. Avec la vie
chère et l’inflation, la fracture sociale s’agrandit de jour en jour. Le
Gouvernement n’entreprend rien pour la colmater. Ce déséquilibre stable
a comme pesanteur la coalition des Partis Politiques qui jouissent de
certains avantages sociaux et économiques. Grâce aux prébendes
accordées aux condottieres (déchouqueurs), les manifestations populaires se sont
tues.

Pour se moquer de ses contestataires, René Préval se disait prêt à
gagner les rues avec sa pancarte pour protester, lui aussi, contre la vie
chère. Grande fut sa surprise d’apprendre que les populations des Zones
défavorisées des Cayes et des Gonaives se sont soulevées contre
l’indifférence du Gouvernement. La simultanéité des deux événements
pour les mêmes motifs traduit un raz le bol. Ces émeutes de la faim peuvent
setransformer en une insurrection générale. Rome brûle Néron s’amuse.
Tandis que le Peuple meurt de faim, René Préval se prélassait le week-end
dernier sur une plage des Cayes avec sa maîtresse. Voilà l’étincelle qui a mis
le feu à la poudrière. A deux reprises pour s’absenter du pays et prendre
ses ébats amoureux avec sa dame de cœur, René Préval, a mésusé de son
bulletin de santé, comme alibi. La Chancellerie Haïtienne, comme au théâtre, a
pris un communiqué pour annoncer le départ du Président pour raison de santé
tandis qu’il voyageait en compagnie de sa dulcinée pour visiter ses
parents en Floride. Cette histoire d’amour a reformaté le profil du Chef d’État
haïtien qui voyage sans le protocole dû à son rang. Loger un
célibataire au Palais national comporte de grands risques pour le pays.


Par ailleurs l’impuissance de Lespwa à résoudre les problèmes de
l’heure n’échappe à personne. Le Président et le Premier ministre sont
unanimes à déclarer qu’ils n’y peuvent rien. De tels aveux invitent à la remise en
question de la légitimité du pouvoir. Pour tromper l’attente des
chômeurs le Gouvernement Préval Alexis fait appel à la diversion. On fait
miroiter les possibilités d’exploitation de nos nappes pétrolifères. On requiert
les services de certains soi-disant économistes pour faire mentir les
données en tordant le coup à l’inflation, en faisant baisser artificiellement
le taux de chômage et chanter une reprise économique fictive. Ces arnaques
ne fonctionnent pas puisque la situation ne fait que s’empirer. On n’a pas
besoin d’être initié au secret de la météorologie pour savoir s’il
fait chaud ou froid. La ménagère qui va chaque jour au marché mesure avant
nos économistes l’effet de l’inflation sur son panier.


-une petite marmite de riz :19.50 gdes
-une petite marmite de maïs moulu:19.50 gdes
-une petite marmite de pois sec: 27.90 gdes
-1 livre de banane: 10.20 gdes
-1 livre de viande de bœuf : 59.70 gdes
-1 livre de viande de cabri : 75.90 gdes
-1 livre de poulet: 75.50 gdes
-1 livre de poisson frais: 86.80 gdes
-1 gallon d’huile comestible: 247.40 gdes
(source : Ministère de l’Économie et des Finances Février 2008)


La situation s’est aggravée au cours du mois de Mars. Le prix d’un sac
deriz a augmenté de 52%%, le sac de sucre de 66,66% et le sac de mais
de
133,33%. Les familles haïtiennes sont aux abois. Manger devient un luxe
en
Haïti à cause de la cherté de la vie. Les faits et gestes de René
Préval ne
laissent augurer aucun espoir. Au contraire ils illustrent clairement
son
mépris. Préval ne se considère pas comme le Responsable qui doit
veiller à
la bonne marche des affaires du pays. Il prend souvent congé des
affaires
de la République pour faire des voyages d’agrément, sous le couvert de
son
cancer de la prostate. Préval se foute royalement de cette famine qui
sévit en Haïti que la majorité nationale baptise ironiquement de
«Grangou Chlorox ».


Le mince pedigree de nos dirigeants explique leur inaction et
l’évocation d’un miracle pour tirer le pays de cette situation difficile. Des
rancoeurs commencent à se manifester contre l’Exécutif tout en s’amplifiant au
fil des jours. Le PM Jacques Édouard Alexis est un technocrate de gros
calibre. Détrompez-vous, si vous le croyez nul ! Nous connaissons bien l’homme.
Mais par sa nullité feinte, il est en train de commettre les mêmes erreurs
que certains Ministres d’État qui, rongés par des ambitions politiques
démesurées, se gardaient d’entreprendre certaines initiatives inscrites
dans l’agenda du Président Jean Claude Duvalier telles que: la construction
d’une Cité Universitaire, le Drainage de Port-au-Prince et
l’assainissement du Bicentenaire. Ils les réservaient pour leurs propres programmes
politiques. Hélas! Le pot au lait s’est brisé. «Adieu, veaux, vaches
cochons». En politique haïtienne, ordinairement l’astre entraîne dans
sa chute tous les satellites qui brillaient autour de lui : Neptune,
Lafontant, Cinéas, Chanoine qui rêvaient le fauteuil.


Sans une certaine synergie entre les différents membres d’une même
équipe,
le rendement est minime et même nul. Le modèle de Gouvernement en
place en
Haïti exige une supervision directe du Chef qui malheureusement
n’affiche
aucune compétence. Un pis-aller serait d’avoir des collaborateurs
qualifiés pour combler le vide institutionnel. Mais sans l’accumulation préalable
de connaissances pertinentes et valides, sans l’intériorisation de
certaines
valeurs, sans une franche collaboration, l’identification des problèmes
et
leurs solutions deviennent un vrai casse-tête. Le mécanisme de
coordination
échoue et la barque nationale dérive avec 8.900.000 Haïtiens. Un Peuple
qui
a faim, par instinct de survie, coûte que coûte doit se ravitailler. La
faim chasse le loup du bois. Le Communiqué de la MINUSTAH accusant de
vandalisme les émeutiers de la faim des Cayes et des Gonaives est
incohérent. Les manifestants ont pillé des camions de nourriture et des
dépôts alimentaires. Il n’existe aucun recours collectif légal envers
une
population qui se déchaîne contre la faim. LA FILOUTERIE D’ALIMENTS
N’EST
PAS PREVUE PAR LE CODE PENAL HAITIEN. Ce n’est pas un crime parce que
ce
n’est pas un vol ni une escroquerie. Il s’agit d’une cause
d’impécuniosité
donc i l y a tout simplement grivèlerie. Avec un Parlement en
déconfiture,
une presse vendue, des Partis Politiques inféodés au Gouvernement, une
bourgeoisie salope, que faire? Cette mobilisation du Jeudi 3 avril qui
a
occasionné des scènes de pillage n’est autre que l’expression légitime
des
émeutes de la faim.

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