vendredi 19 octobre 2007

L'HOMME AUX CHEVEUX BLANCS

L’homme aux cheveux blancs.
Par Jean Erich René

La neige des ans couronne certaines têtes et témoigne non seulement de l'usure du temps mais surtout de l'expérience acquise. L'homme qui a longtemps vécu a beaucoup appris du monde et des hommes. Il n'a pas besoin d'être un philosophe ni un homme de science pour traiter certaines questions d'ordre social ou politique. La patine du temps lui a déjàinculqué certaines notions dont se serviront peut-être les nantis du savoir dans l'élaboration de leurs théories scientifiques.

L'homme aux cheveux blancs a déjà identifié la source de la rivière de la Grand’ Anse aussi bien que son embouchure. Il a déjà vu les dégâts causés par l'Artibonite en crue. La Ravine des Cayes dans sa furie a déjà tout emporté sous ses yeux. Il s'est bien nourri à la mamelle de l'Ecclésiaste et sait bien qu'il y a un temps pour chaque chose, un temps pour briser, un temps pour construire, un temps pour ruser, mais aussi un temps pour quela vérité éclate.

L'homme aux cheveux blancs est avare de commentaires sur les drames sociaux et opinent difficilement sur les événements politiques en cours. Il est beaucoup plus enclin à se référer à l'histoire pour dégager certaines flèches de pensées. Combien de fois a-t-il déjà assisté à la déchéance de certains puissants de la terre. Il connait les symptômesannonciateurs de la chute d'un astre. L'homme aux cheveux blancs n'éprouve aucune surprise face aux turpitudes de la vie politique.L'homme aux cheveux blancs est d'un calme imperturbable. Il ne se laisse pas aveugler par l'appât du gain pour s'embrigader dans n'importe quelle entreprise mafieuse. Il connait déjà l'envers du décor.

Les projets de société les plus prometteurs soulevés au cours d'une campagne électorale restent presque toujours au fond des tiroirs. Accord, concertation, union, fusion, convergence, coalition, alliance ne sont que des saladesau goût amer pour tromper la faim des politiciens vicieux et gourmands.L'homme aux cheveux blancs écoute d'une oreille distraite certains discours. Il observe avec un regard amusé les opportunistes, qui attirés par l'appât du gain se laissent prendre toujours au même piège. Combien de fois a t-il vu le soleil se lever, atteindre le zénith, disparaitre à l'horizon pour repoindre à nouveau le lendemain. L'homme aux cheveux blancs préfère se taire et se terrer parce que souvent ses propos sont dérangeants. Il est qualifié de vieux jeu, de passéiste, de traditionnaliste, d'emmerdeur.

Pourtant l'homme aux cheveux blancs sait que l'oiseau qui vient de prendre son envol en battant des ailes avec fracas, ne tardera pas à se poser sur la branche la plus proche. Peut-être, là où il y a un chasseur déjà à l'affût. Parfois il faut avoir le courage de dire la vérité, même si elle blesse. Car le comportement de certains hommes politiques peut être plus dangereux pour une nation que n'importe quelle arme meurtrière. La preuve c'est qu'il n'y a jamais eu de guerre en Haïti, pourtant le territoire national présente l'aspect d'un sinistre champ de bataille.La stabilité n'est pas de ce monde nous dit l'homme aux cheveux blancs. La royauté n'existe plus en France. Saddam Hussein le raïs tout puissant de l'Irak a été repêché dans un trou comme un rat. Dans la conjoncture internationale actuelle vouée à la démocratie, la dictature est un triste souvenir. Nulle part au monde la violence n'a jamais triomphépour toujours. Le passage à pied sec devient impossible avec le Tribunal Pénal International. Nos Hommes d'État doivent réprimer leurs pulsions nerveuses et leur instinct carnassier. La violence est définitivement une arme prohibée.

L'homme aux cheveux blancs a déjà respiré les plus belles fleurs du parterre. Il connait leur senteur. Comme l'abeille il a déjà goûté leur nectar. Ses papilles gustatives sont devenues aberrantes. Il connait les vertus curatives de la marguerite. Il sait bien pourquoi la pervenche est toujours en fleurs et le cyprès toujours vert. Il a déjà apprécié lespropriétés de la digitale. Voilà pourquoi il ne se laisse pas troubler par ces jeunes boutons qui viennent à peine d'éclore et qui crient victoire sans même connaitre l'auditoire.L'homme aux cheveux blancs est un réservoir d'expériences. Il sait bien qu'on ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière puisque ce n'est plus la même eau. Il ne se laisse pas duper par le courant politique qui, quoique dans le même lit, change d'orientation et d'intensité à l'insu de certains passeurs distraits. Nous ne sommes plus à la saison des pluies par conséquent il ne faut plus s'inquiéter de la fureur des flotsd'antan. De Madame Lavalas, il n'en reste que les débris et les gravats qui jonchentencore le macadam. D'un seul coup de pelle la chaussée sera bientôt dégagée. En matière de prévention, l'immunité est souvent obtenue par l'inoculation du même microbe. C'est le principe du vaccin. Souvent mal compris, ridiculisé, méprisé, l'homme aux cheveux blancs, féru de philosophie, même lorsqu'il n'a pas une formation académique pointue,comprend très bien les rouages de la machine politique. Que dire quand il a déjà fait plusieurs fois le tour de nos plus grandes Universités!

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